Les petits modèles de langage : définition, usages, et différences avec les LLMs

Une technologie ancienne : origine et lien avec les LLMs

Les grands modèles de langage (LLM) ont capté toute l’attention du grand public et des entreprises depuis l’émergence de ChatGPT, Gemini ou Claude. Leur puissance et leur polyvalence semblent avoir redéfini le standard de l’IA générative. Pourtant, une alternative stratégique s’inscrit progressivement en complément des LLMs : les petits modèles de langage (Small Language Models, ou SLM).
 

LLMs vs SLMs (petits modèles de langage)

Ce retour en force des SLM n’est pas anodin. Ils partagent avec les LLMs le même socle technologique (principalement l’architecture Transformer), mais se distinguent par leur taille réduite, leur sobriété numérique et leur capacité à être hébergés localement. Historiquement, les SLM ont précédé les LLM : ce sont les modèles que l’on savait entraîner avec les ressources disponibles avant l’essor massif des GPU de haute performance.
 
Ce qui a permis l’essor des LLM repose sur la première “loi d’échelle” : plus un modèle est grand, mieux il fonctionne. Cette loi empirique, vérifiée jusqu’à présent, a justifié l’utilisation de milliards de paramètres, de centaines de GPU et de jeux de données titanesques. Cependant, cette approche montre aujourd’hui ses limites : les données disponibles sur le web sont de plus en plus redondantes, bruitées, ou juridiquement complexes à exploiter (problèmes de droits d’auteur, RGPD, etc.).
 
Une nouvelle perspective a donc émergé : celle du “test-time scaling”. Plutôt que d’augmenter la taille du modèle, on augmente le temps de réflexion qu’on lui accorde pour générer une réponse. Cela favorise des modèles plus compacts, capables d’être aussi performants que des LLM dans certaines situations, en particulier lorsqu’on leur permet de raisonner plus longtemps. Cette réorientation place les SLM comme une stratégie alternative au LLMs en fonction des contraintes des entreprises.

«Ce qui change aujourd’hui avec les SLM, c’est leur capacité à intégrer les meilleurs raffinements techniques des grands modèles tout en restant sobres, rapides, et déployables localement. ».

JEAN BAPTISTE JUIN- DIRECTEUR R&D

Une efficacité redécouverte : des performances compétitives à taille réduite

Historiquement, les modèles de langage à faible nombre de paramètres ont constitué la base des travaux en NLP. Ce n’est qu’avec la démocratisation du calcul parallèle que les LLM ont pu émerger. Aujourd’hui, les SLM bénéficient des retours d’expérience et des découvertes faites pendant cette phase d’expansion. Cela leur permet d’être à nouveau efficace en s’appuyant sur les techniques d’optimisation les plus avancées.

Les SLM modernes intègrent les meilleures pratiques issues des travaux sur les LLM : instruction tuning, distillation, pretraining supervisé sur des corpus bien choisis, etc. Ces techniques permettent de maximiser l’utilité d’un petit nombre de paramètres. Par exemple, un modèle comme Mistral 7B, grâce à un pipeline d’entraînement ultra-ciblé, parvient à concurrencer GPT-3.5 sur certaines tâches tout en étant dix fois plus petit.

L’un des principaux leviers d’amélioration repose sur la qualité des données d’entraînement. Plutôt que de collecter massivement des téraoctets de textes, les chercheurs et ingénieurs IA optent pour des datasets mieux structurés, nettoyés, annotés, et surtout pertinents pour les tâches ciblées. Cette rigueur permet d’exploiter au mieux la capacité d’un modèle, sans diluer la valeur dans des milliards de tokens inutiles.
 
Les SLM bénéficient également de raffinements techniques notables : quantification (réduction de la précision des poids), sparsité (activation partielle des neurones), et partage de poids entre couches. Ces innovations permettent de faire tenir un modèle performant dans moins de 8 Go de RAM. On voit ainsi apparaître des usages embarqués sur des appareils à ressources limitées, sans sacrifier la qualité des résultats.

« Sur certains cas d’usage métier bien cadrés, un SLM non fine-tuné atteint plus de 80 % de précision. Ce n’est pas juste un compromis technique, c’est une vraie alternative dans des environnements contrôlés. » 

JEAN BAPTISTE JUIN- DIRECTEUR R&D

Comment déployer un SLM ? Les clés techniques et organisationnelles

Prérequis matériels : CPU, GPU et nouvelles architectures

Le matériel nécessaire à l’hébergement d’un SLM dépend directement du niveau de performance attendu et des contraintes d’usage. Un GPU reste le moyen le plus rapide d’exécuter un modèle, notamment pour du traitement en temps réel ou interactif. Il offre une accélération massive grâce au parallélisme des opérations matricielles.

Mais les SLM peuvent fonctionner sur CPU, en particulier pour des tâches hors ligne. Grâce aux moteurs comme GGML, llama.cpp ou VLLM, il est aujourd’hui possible de déployer un modèle de 7B paramètres sur un simple serveur CPU, au prix d’un temps de calcul plus long. Cette flexibilité ouvre la voie à des usages industriels variés : traitement batch la nuit, automatisation documentaire, analyse différée.

Enfin, les nouvelles architectures unifiées (Apple Silicon, Nvidia Grace Hopper, AMD MI300) favorisent une plus grande densité mémoire et un débit élevé entre le processeur et la mémoire. Ces plateformes hybrides permettent de combiner la compacité du matériel avec la puissance nécessaire à des inférences efficaces.

Intégration dans les systèmes d’informations existants

L’un des atouts majeurs des SLM est leur compatibilité avec les API standardisées du marché. Que ce soit pour des assistants conversationnels, des systèmes de recommandation ou des modules d’extraction de texte, la majorité des outils open source proposent un format identique à celui d’OpenAI. Cela signifie qu’un simple changement d’URL ou de clé API suffit souvent à substituer un modèle tiers par un modèle local.

Cette continuité technologique facilite la migration et la maintenance. Les pipelines existants peuvent être conservés, les cycles DevOps restent inchangés, et les outils d’orchestration comme LangChain ou LlamaIndex s’adaptent nativement aux SLM.

Mobilisez vos équipes : un projet SI classique

Un projet SLM ne nécessite pas de réorganiser toute l’entreprise. Il repose sur une organisation connue : une équipe data pour le choix du modèle et les tests d’évaluation, une équipe IT pour le déploiement et la supervision, et des experts métier pour cadrer les cas d’usage.

Les profils MLOps, souvent indispensables en phase d’entraînement, sont ici facultatifs si le modèle est utilisé tel quel. Le projet peut ainsi être piloté comme un chantier d’intégration logicielle : évaluation, mise en production, monitoring. Ce pragmatisme facilite son adoption dans les ETI ou grands groupes industriels.

 

Coûts, performances et arbitrages : un équilibre à trouver

Héberger un SLM : plus couteux mais justifiable

L’un des principaux obstacles perçus au déploiement des petits modèles de langage est leur coût d’infrastructure. Là où un appel API à un LLM propriétaire (type GPT-3.5 ou Claude) revient à quelques centimes par millier de tokens, héberger un modèle en local suppose l’acquisition ou la location de serveurs dédiés. Un serveur GPU adapté pour exécuter un SLM de type Mistral ou Phi-2 coûte environ 1 100 € par mois. Ce montant peut sembler élevé au regard des coûts variables proposés par les grandes plateformes américaines. Pourtant, ce surcoût est loin d’être injustifié, surtout dans les contextes industriels où la souveraineté des données, la maîtrise des performances et la réduction des dépendances stratégiques sont des impératifs.

Les cas d’usage les plus pertinents pour justifier l’hébergement d’un SLM sont ceux où l’IA intervient directement dans le cœur métier : automatisation documentaire, extraction de données critiques, traitement de documents confidentiels ou d’informations sous embargo. Cross Data a accompagné un de ses clients sur ce sujet en déployant un SLM (Mistral Small 3) sur un serveur dédié pour assurer des tâches de conformité documentaire. Ce choix s’imposait du fait de la sensibilité des données et de la nécessité d’une réponse robuste et traçable. Le coût d’infrastructure est donc à envisager comme un investissement stratégique, surtout lorsque les gains de productivité, de sécurité et d’agilité sont au rendez-vous.

Accompagnement d’un client Cross Data au déploiement d’un SLM 

Des performances équivalentes à celles des LLM dans certains cas d’usage

Contrairement à une idée reçue, les SLM peuvent rivaliser, voire surpasser les LLM dans des tâches précises. Cela s’explique par leur focalisation sur une tâche, leur capacité à fonctionner de façon stable dans des environnements contrôlés et leur simplicité d’adaptation.


Souveraineté et confidentialité : déploiement d’un modèle Mistral Small 

Dans le cadre de l’accompagnement de ce client, Cross Data a déployé un modèle Mistral Small non fine-tuné qui a atteint des performances supérieures de précision dans l’extraction d’informations et l’analyse de conformité sur des documents scannés.

Ce résultat est intéressant pour plusieurs raisons. D’abord, il démontre qu’un SLM généraliste peut être suffisant pour des tâches critiques, sans qu’il soit nécessaire de recourir à un modèle géant, coûteux et souvent opaque. Ensuite, il valide la pertinence du choix stratégique : maîtriser la chaîne de traitement de bout en bout, avec un modèle local, transparent, et performant.
Enfin, cela souligne un autre atout des SLM : leur facilité de déploiement, d’évaluation et de supervision par rapport à des modèles beaucoup plus lourds.

Les SLM brillent dans des cas d’usage comme la classification, l’extraction d’entités nommées, l’analyse sémantique, ou encore les tâches de type RAG (retrieval augmented generation). Sur ces terrains, leur architecture compacte et leur comportement prévisible sont des atouts différenciants.

Un atout pour les environnements à fortes contraintes

Là où les LLM nécessitent une connectivité constante, un débit réseau élevé et des ressources cloud conséquentes, les SLM peuvent fonctionner de manière autonome, en local, dans des environnements contraints. Ils sont particulièrement adaptés aux contextes industriels où l’accès à internet est limité, voire inexistant, ou dans les environnements sensibles soumis à des obligations de confidentialité extrême.

Un des grands avantages des SLM est leur capacité à fonctionner hors ligne. Cela permet une intégration directe dans des systèmes embarqués, sur site de production, dans des véhicules industriels ou des installations isolées. Ce fonctionnement offline répond aux besoins des industriels en matière de robustesse opérationnelle, mais aussi aux exigences de conformité RGPD, de traçabilité et de maîtrise des flux de données.
Par ailleurs, leur faible empreinte énergétique et leur besoin réduit en ressources rendent les SLM compatibles avec des plateformes matérielles plus abordables. Cela facilite leur déploiement dans des scénarios où le budget IT est limité où l’on cherche à optimiser les coûts d’exploitation.

Enfin, leur indépendance vis-à-vis des fournisseurs cloud internationaux renforce l’autonomie stratégique des entreprises, en particulier dans les secteurs régulés ou stratégiques (défense, énergie, santé, etc.).

Un SLM combiné au fine-tuning : un gain de performance important

Le véritable potentiel des SLM s’exprime pleinement lorsqu’ils sont fine-tunés sur des tâches spécifiques. Le fine-tuning consiste à réentraîner un modèle sur un corpus de données ciblé, pour améliorer sa précision sur une tâche métier particulière. Ce processus permet d’ajuster le modèle aux spécificités du langage utilisé, aux formats documentaires propres à une organisation, ou aux règles métiers internes.

Le gain de performance lié au fine-tuning est significatif. Là où un modèle généraliste atteint un bon niveau de base, un modèle affiné peut gagner plusieurs points de précision, et surtout améliorer sa stabilité et sa cohérence. Ce qui en fait un levier d’excellence pour des applications critiques.

Ce choix stratégique doit être anticipé dès la phase de cadrage du projet. Il nécessite des données annotées, un effort de préparation, et un accompagnement technique. Mais l’investissement est rentable dès lors que l’IA est intégrée dans des processus de production ou de décision à fort impact.

 

Une IA souveraine et maîtrisée grâce aux SLM

Réduction de la dépendance aux GAFAM

L’émergence des SLM open source change la donne pour les entreprises européennes. Ils offrent la possibilité de s’affranchir des API propriétaires des géants américains, en hébergeant les modèles localement ou via des clouds souverains. Des acteurs comme OVHCloud, Scaleway ou 3DS Outscale proposent désormais des services compatibles avec l’hébergement de modèles open weight comme Mistral, Phi, ou LLaMA.

Cette évolution ouvre la voie à de nouveaux modèles économiques, où chaque entreprise peut arbitrer entre un hébergement local (pour un contrôle total), mutualisé (avec d’autres partenaires) ou externalisé chez un fournisseur européen. Ce choix stratégique permet de concilier performance et conformité réglementaire.

Le rôle clé de l’open source

L’open source est un moteur essentiel de cette évolution. Mais il convient de bien distinguer les niveaux d’ouverture. Un modèle “open weight” met à disposition ses poids, mais sans forcément exposer son code d’entraînement ni les jeux de données utilisés. À l’inverse, un modèle véritablement open source fournit l’ensemble du pipeline, garantissant une transparence totale.
Cette transparence est essentielle pour les entreprises qui souhaitent maîtriser leur chaîne de valeur IA. Elle permet de comprendre les limites du modèle, de mesurer les biais potentiels, et de garantir la traçabilité des décisions. Elle est également cruciale pour répondre aux futures exigences de l’AI Act européen, qui imposera des obligations renforcées sur l’auditabilité et la transparence des modèles utilisés.
 

SLM : un atout stratégique complémentaire pour les PME et les ETI

Les petits modèles de langage constituent une brique technologique complémentaire aux grands modèles de langage (LLM). Leur valeur réside dans leur capacité à répondre à des contraintes spécifiques : souveraineté, confidentialité, fonctionnement hors ligne, intégration embarquée, là où les LLM actuels ne couvrent pas toujours efficacement.

Aujourd’hui, il reste en effet souvent plus simple et moins couteux de s’appuyer sur un LLM pour des cas d’usage standard, notamment dans des environnements cloud connectés. Mais les SLM apportent une souplesse stratégique précieuse dans des contextes où la maîtrise de l’infrastructure, la localisation des données ou la résilience des systèmes est primordiale.
C’est donc en offrant la possibilité aux entreprises d’arbitrer entre, contraintes et objectifs métier et usages raisonnés que les SLM trouvent leur véritable pertinence. Les grands modèles restent donc adaptés à des tâches génériques comme la génération de texte ou la synthèse. Les SLM, eux, peuvent s’intégrer dans des processus critiques, sur des cas d’usage métiers où la souveraineté, la robustesse et la traçabilité sont incontournables.
Cette approche combinée ouvre la voie à une IA qui repose sur plusieurs leviers ajustés aux besoins réels de l’entreprise. Et c’est cette capacité à faire des choix technologiques éclairés qui constitue un avantage compétitif durable.

« Dès qu’il y a des contraintes de confidentialité ou de performance locale, héberger un SLM devient un vrai levier stratégique. »

JEAN BAPTISTE JUIN- DIRECTEUR R&D

Les points à retenir 

Les petits modèles de langage viennent s’inscrire en complément des LLMs dans l’adoption de l’IA par les entreprises.

D’un point de vue stratégique, les SLM sont pertinents car ils permettent aux entreprises d’utiliser un modèle de langage (LLM ou SLM) en fonction de leurs enjeux en interne. Plus sobres, adaptés aux environnements critiques comme l’industrie, la santé, et l’énergie par exemple, ils permettent de répondre à des enjeux de souveraineté, de conformité et de performance. Parmi eux, plusieurs modèles sont performants comme Mistral Small 3, Mistral 7B, Phi-2, ou LLaMA. L’enjeu est de définir celui qui sera le plus adapté à vos enjeux et vos contraintes.

Leur montée en puissance ouvre de nouvelles perspectives pour les PME et ETI : arbitrer entre LLM et SLM selon ses priorités stratégiques et ses contraintes.

Chez Cross Data, nous accompagnons déjà nos clients industriels dans le déploiement de ces modèles. Notre conviction : les SLM ne sont pas une alternative low-cost aux LLM, mais une solution stratégique pour construire une IA durable, maîtrisée et au service du métier. Si vous envisagez un projet IA avec des contraintes spécifiques, contactez Jean-Baptiste, expert en SLM et LLM.

Jean-Baptiste Juin
Jean Baptiste Juin - Directeur R&D de Cross Data

Ingénieur Docteur en Astrophysique, il créée les outils dont nos équipes ont besoin aujourd’hui et surtout ceux dont elles auront besoin demain. 

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